Hôtel de Fieubet, 2 rue Voltaire
Cette maison est acquise en 1670 par Gaspard de Fieubet (1626-1694), conseiller ordinaire du roi Louis XIV et chancelier de la reine, qui y effectue quelques remaniements en 1671 et 1672. On doit à Fieubet l’épitaphe à Descartes. Si Voltaire le qualifie « l’un des esprits plus polis de ce siècle », Saint-Simon décoche à ce joueur invétéré, sur son lit de mort, un trait ironique : « Je m’ennuie ; c’est ma pénitence, je me suis trop diverti. » L’hôtel est ensuite racheté en 1693 par Claude Caron, géographe ordinaire du roi, inspecteur des Eaux et forêts. Au XVIIIe siècle la demeure voit se succéder huit propriétaires. Cet hôtel est profondément transformé, conduisant notamment à la création d’un second étage. En 1972, les quatre copropriétaires entreprennent un important travail de restauration permettant à la façade intérieure de retrouver son allure de la fin du XVIIe siècle. À noter la porte cochère en bois à caissons du XVIIIe siècle, copie de l’époque Louis XIII.
Description de l’hôtel actuel
Imposant bâtiment de trois niveaux sur la rue avec jardin et communs donnant sur la place Mareil par un portail. La construction d’un immeuble dans les années 1960 a amputé le jardin de plusieurs dizaines de mètres et isole l’hôtel de son cadre environnemental. Il est sous l’Ancien régime à rapprocher de la caractéristique de l’immeuble de rapport plutôt qu’à celle de l’hôtel particulier. Au XVIIIe siècle la demeure voit se succéder huit propriétaires.
L’immeuble que nous connaissons aujourd’hui résulte des constructions entreprises en 1790 par Madame Legras. En 1972, les quatre copropriétaires effectuent un travail de restauration important permettant à la façade intérieure de retrouver son allure de la fin du XVIIIe siècle.
Histoire
Le 31 décembre 1670, Gaspard de Fieubet (1626-1694) « chevalier, conseiller d’État ordinaire » du roi Louis XIV et chancelier de la reine achète un hôtel à Seraphin Belot pour le prix de 10 300 livres. Il y réalise des travaux entre 1671 et 1672.
L’hôtel est ensuite vendu en 1693 à Claude Caron, géographe ordinaire du roi, inspecteur des Eaux et Forêts pour 6 400 livres.
Selon Saint-Simon (T. IV, 1829, p.116-117) :
« C'était un autre conseiller d'État très-capable, d'un esprit charmant, dans le plus grand monde de la ville et de la cour, et dans les meilleures compagnies, recherché par toutes les plus distinguées, quelquefois gros joueur, et qui avait été chancelier de la reine. Il menait Courtin à Saint-Germain au conseil, et on volait fort dans ce temps-là. Ils furent arrêtés et fouillés, et Fieubet y perdit gros qu'il avait dans ses poches. Comme les voleurs les eurent laissés, et que Fieubet se plaignit de son infortune, Courtin s'applaudit d'avoir sauvé sa montre et 50 pistôles qu'il avait fait, à temps, glisser dans sa brayette.
À l'instant voilà Fieubet qui se jette par la portière à crier après les voleurs et à les rappeler, si bien qu'ils vinrent voir ce qu'il voulait. “Messieurs, leur dit-il, vous me paraissez d'honnêtes gens dans le besoin, il n'est pas raisonnable que vous soyez les dupes de monsieur que voilà, qui vous a escamoté 50 pistoles et sa montre ; ” et, se tournant à Courtin : “Monsieur, lui dit-il en riant, vous me l'avez dit, croyez-moi, donnez-les de bonne grâce et sans fouiller. ” L'étonnement et l'indignation de Courtin furent tels, qu'il se les laissa prendre sans dire une seule parole; mais, les voleurs retirés, il voulut étrangler Fieubet qui était plus fort que lui, et qui riait à gorge déployée. Il en fit le conte à tout le monde à Saint-Germain. Leurs amis communs eurent toutes les peines du monde à les raccommoder. Fieubet était mort longtemps avant lui, retiré aux Camaldules de Gros-Bois. C'était un homme de beaucoup d'ambition, qui se sentait des talents pour la soutenir, qui soupirait après les premières places, et qui ne put parvenir à aucune. Le dépit, la mort de sa femme sans enfants, des affaires peu accommodées, de l'âge et de la dévotion sur le tout, le jetèrent dans cette retraite.
Pontchartrain envoya son fils le voir, qui, avec peu de discrétion, s'avisa de lui demander ce qu'il faisait là. « Ce que je fais, lui répondit Fieubet, je m'ennuie; c'est ma pénitence, je me suis trop diverti. » Il s'ennuya si bien, mais sans se relâcher sur rien, que la jaunisse le prit et qu'il y mourut d'ennui au bout de peu d'année. »
Voltaire écrit que « Fieubet le maître des requêtes, l'un des esprits plus polis de ce siècle. » Voltaire, Siècle de Louis XIV, tome I, 1825, p. 236.
Honoré Courtin (1626-1703) est un diplomate et commis d’État apparenté à la famille des Le Tellier. Il est très proche du ministre Louvois. Il est en charge des discussions diplomatiques à la fin de la guerre de Hollande. Puis il est nommé en 1673 au Conseil d’État.
Architecture
Lors de l’achat par Fieubet en 1693, le bâtiment est décrit comme « une grande maison à porte cochère située audit St. Germain en Laye faisant un des coins de la rue des Ursulines, au carrefour de la porte de Mareil vis-à-vis la rue St Pierre, constituant en un corps de logis appliqué en deux caves, dessous, et un rez de chaussée, une grande salle, cuisine, garde manger, tout petit chambre a côté et au derrière de l’escalier, cours, écuries et une basse cour, en étage carré au dessus de la grande salle, en [ill.] étage brisée au dessus le tout couvert de tuiles. Plus deux remises de carrosses en ladite cour, et puis a un bon petit corps de logis d’étage élevé au dessus de ladite écurie. Plus le jardin derrière au bout de ladite grande cour, et généralement le tout [ill.] et dépendances de ladite maison. […] ». Il aurait fait partie d’un grand ensemble de bâtiments de ville sans caractéristique particulière.